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Kenka kiseru, kiseruzutsuet tabako-ire, clan Takaoka, Japon, époque Edo
Ensemble japonais comprenant un kenka kiseru (pipe de combat) avec son étui kiseruzutsu et une tabatière rigide (tonkotsu) arborant le mon du clan Takaoka (blason familial).
Ces objets datent de l???époque Edo (1603 1868) début du 19ème siècle et combinent un usage fumeur et défensif.
Dès l'époque Edo, la pratique du tabac se répand au Japon, et le kiseru, fine pipe à tabac à petit fourneau, en métal et bambou devient un accessoire prisé, parfois très ornementé, symbole de statut social. La plupart des kiseru mesurent entre 15 et 25 cm, mais certains modèles nettement plus longs et lourds apparaissent, souvent utilisés par des individus peu recommandables. Ces longues pipes servaient aussi bien à fumer qu???à se défendre lors de rixes improvisées. On les appelle kenka kiseru ou « pipes de combat ». Elles sont de véritables matraques de bronze ou de fer longue de 30 à 50 cm, leur poids et leur solidité en faisant des armes contondantes redoutables en cas de bagarre. ?? l???instar des tessen (éventails de fer) ou des truncheons naeshi, ces pipes servaient d???armes déguisées, tolérées en public car présentées comme de simples accessoires de fumeur.
Ces pipes de combat ont trouvé leur place dès l???époque des kabukimono ??? ces r?nin et jeunes samouraïs excentriques du XVIIe siècle au comportement provocateur ??? et dans celle des machi-yakko, les milices urbaines de vigilance formées par les gens du peuple pour se défendre des abus des premiers. Les machi-yakko, souvent d???origine marchande ou artisanale, adoptaient volontiers le kenka kiseru comme arme de prédilection, puisque le port du sabre leur était interdit. En effet, dans le Japon Edo, seuls les samouraïs pouvaient circuler avec des armes blanches. Les otokodate (brigands d???honneur) de la classe marchande durent ruser en utilisant ces longues pipes en cas d???affrontements avec des samouraïs de bas rang ou autres malfrats. Ce contexte de tensions entre machi-yakko (serviteurs de la ville) et kabukimono violents est souvent cité comme l???une des origines de la yakuza (mafia japonaise). Ainsi, le kenka kiseru s???inscrit à la fois dans la culture des voyous d???Edo et des justiciers des quartiers populaires, occupant une place unique d???objet à la frontière du raffinement et de la violence.
Parallèlement, certains samouraïs adoptèrent eux aussi la pipe de combat dans des circonstances particulières. Lorsqu???ils devaient se passer de leurs sabres ??? par exemple lors de visites aux quartiers de plaisir Yoshiwara où les armes étaient prohibées ??? les samouraïs pouvaient dissimuler un lourd kiseru dans leur ceinture afin de parer à toute éventualité. Ces modèles destinés aux guerriers sont appelés buy?kiseru (????, « pipe d???usage martial ») et sont souvent intégralement en métal, d???environ 41???45 cm de long. Aucun gardien ne s???inquiéterait d???une pipe à tabac, et en cas d???altercation, le samouraï désarmé pouvait brandir sa pipe comme un gourdin et assommer un assaillant sans entacher l???honneur de son sabre. Des écoles d???arts martiaux intègrent d???ailleurs des techniques secrètes de combat au kiseru (kiseru-jutsu), comparables à celles du tessenjutsu (éventail de guerre). Certains exemplaires de pipes de combat furent même munis d???une petite tsuba (garde) pour protéger la main, comme en témoignent des manuels anciens (école Kiraku-ry?).
Cette dualité d???usage entre fumer et se battre confère à la kenka kiseru une aura légendaire, maintes fois illustrée dans le folklore et le théâtre kabuki ??? pensons au bandit Ishikawa Goemon souvent représenté avec une énorme pipe torsadée, ou au héros Jiraiya brandissant son kiseru dans les estampes du XIXe siècle.
L???ensemble présenté se compose d???une grande pipe kenka-kiseru accompagnée de son étui (kiseruzutsu) et d???une tabatière rigide (tonkotsu) formant un ensemble coordonné. La pipe, entièrement réalisée en métal (fer) et bambou laqué noir mesure environ 31 cm de long pour un poids de 520 grammes ??? une taille inhabituelle approchant celle d???un tant? (poignard court). Ses deux extrémités, le fourneau (tête) et le bec (embouchure), sont épaisses et lourdes, aptes à encaisser des chocs violents. Le fût de la pipe est d???un diamètre conséquent pour assurer la rigidité ; il est lisse et brillant.
L???étui kiseruzutsu, taillé dans du bois, est ajusté aux dimensions généreuses de la pipe (39,5 x 5,3,x 6 cm avec une section ovale). Il présente une fine ornementation en laque or à reflets argentés, représentant des motifs végétaux stylisés en volutes sur toute sa surface. La fermeture est soulignée d???un large cerclage en laiton agrémenté d???un anneau.
Sur les deux côtés, apparaît le mon du clan Takaoka, un blason à trois feuilles de chêne stylisées dans un cercle, confirmant l???appartenance de cet ensemble à un membre de cette famille samouraï.
Le tonkotsu au décor assorti, à couvercle coulissant, permettait de stocker le tabac coupé fin (kizami) tout en protégeant son contenu grâce à sa rigidité. Un cordon passant dans deux ?illets latéraux relie la tabatière au kiseruzutsu, l???ensemble pouvant être suspendu à la ceinture. (21 x 14 x 6 cm avec une section ovale)
Le cordon de soie tressée reliant l???étui à la tabatière, passe par un ojime coulissant qui sert à resserrer la suspension. Il reprend le même décor et mesure 4,7 cm de diamètre pour une épaisseur de 2 cm.
Le clan Takaoka est une ancienne famille samourai originaire de la province d???Hitachi puis rattachée aux seigneurs Uda-Genji à l???époque Edo. Ce Ka-mon Takaoka confère une valeur historique supplémentaire à l???ensemble, en le liant à une lignée prestigieuse et en suggérant qu???il a pu servir lors de déplacements officiels ou de cérémonies informelles où le port du sabre était proscrit
Les kenka kiseru de l???époque Edo sont aujourd???hui relativement rares et très recherchées des collectionneurs d???armes japonaises insolites. Leur nature hybride ??? à la fois objet pour fumeur et arme dissimulée ??? les rend fascinantes. Bien que de nombreux kiseru de taille standard (15???25 cm) soient conservées dans les musées, les exemplaires géants de 30???50 cm sont moins communs. Le Minneapolis Institute of Art conserve une pipe de combat en fer longue d???environ 41 cm et pesant plus de 675 g ; Cette pièce, décrite comme un objet « d???apparence délicate mais d???un poids surprenant », illustre bien le déséquilibre trompeur entre l???esthétique raffinée des kiseru et leur potentiel martial.
Un ensemble complet kizeru, ojime, tokutsu pour une pipe de combat est extrêmement rare. Le temps a souvent séparé les éléments quand ils n???ont pas été détruits.
On recense cependant quelques ensembles comparables dans les collections publiques et privées. Par exemple, le Spurlock Museum de l???Illinois conserve un tonkotsu en bois laqué avec son kiseruzutsu assorti (longueur 28,6 cm) datés du début du XIXe siècle. Bien que plus petit et léger, cet ensemble témoigne de la tradition d???avoir une pochette rigide coordonnée à l???étui de pipe.
Une kenka kiseru exceptionnelle signée Mitsuhide (datée vers 1870) a été adjugée 2???275 ? en 2021. Longue de 48,5 cm, elle était composée d???un tuyau de bambou massif relié à deux lourds embouts en bronze ciselés de motifs de Daruma et de feuilles de paulownia. La pipe était seule et son prix illustre l???intérêt pour ces objets insolites.
De même, le collectionneur et auteur Serge Mol mentionne un exemplaire de buy?kiseru de 57 cm, tout en métal, qu???il compare à un naeshi tant son poids qui atteint 675 g, en fait une véritable « massue » camouflée en pipe. Rosemary Bandini rapporte que ce genre de pièce l???avait laissée perplexe au premier abord, avant qu???un antiquaire ne lui démontre, kiseru en main, la prise en main équilibrée et les mouvements maîtrisés possibles avec une telle arme improvisée.
En réunissant tous les éléments d???origine (pipe, étui, tabatière) et en arborant un mon familial, l???ensemble du clan Takaoka présenté ici se distingue par sa rareté et son intérêt martial. Bien au-delà d???un objet de fumeur, il illustre de manière tangible un pan méconnu de l???armement des samourais et des voyous d???Edo ??? celui des armes déguisées en objets du quotidien.
Serge Mol, Classic Weaponry of Japan, 2003
Don Cunningham, Samurai Weapons: Tools of the Warrior, 2012
Rosemary Bandini, « Buy?kiseru » (article, 2020)
Catalogue Zacke (Vienne), 3 déc. 2021
Collection du Minneapolis Institute of Art
Pipe : 32 x 3,5 cm 520 grammes
Etui à pipe : 39,5 x 6 x 5,3 cm
Ojime : 4,7 x 2 cm
Tonkutsu : 21 x 14 x 6,4 cm
Présenté sur un socle en bronze patiné réalisé sur mesure par l???Atelier Punchinello
Taille hors tout : 56 x 31 x 12 cm
Kenka kiseru, kizerusutsu, and tabako-ire, Takaoka clan, Japan, Edo period
Japanese set including a kenka kiseru (fighting pipe) with its kiseruzutsu case and a rigid snuffbox (tonkotsu) bearing the Takaoka clan's mon (family crest).
These objects date from the Edo period (1603???1868), early 19th century, and combine smoking and defensive uses.
From the Edo period onward, tobacco smoking spread in Japan, and the kiseru???a thin, small-bowl tobacco pipe made of metal and bamboo???became a prized accessory, sometimes highly ornamented, and a symbol of social status. Most kiseru measure between 15 and 25 cm, but some significantly longer and heavier models appeared, often used by disreputable individuals. These long pipes were used both for smoking and for defense during impromptu fights. They are called kenka kiseru (????) or "fighting pipes." They are veritable bronze or iron clubs, 30 to 50 cm long. Their weight and strength make them formidable blunt weapons in the event of a fight. Like tessen (iron fans) or truncheon naeshi, these pipes served as disguised weapons, tolerated in public because they were presented as simple smoking accessories.
These fighting pipes found their place in the era of the kabukimono???the eccentric ronin and young samurai of the 17th century with their provocative behavior???and in that of the machi-yakko, the urban vigilante militias formed by the common people to defend themselves against the abuses of the former. The machi-yakko, often of merchant or artisanal origin, readily adopted the kenka kiseru as their weapon of choice, since carrying a sword was forbidden to them. Indeed, in Edo Japan, only samurai were allowed to carry bladed weapons. The otokodate (honorary bandits) of the merchant class had to be cunning in using these long pipes in the event of clashes with low-ranking samurai or other criminals. This context of tensions between machi-yakko (city servants) and violent kabukimono is often cited as one of the origins of the yakuza (Japanese mafia). Thus, the kenka kiseru is part of both the culture of Edo thugs and the vigilantes of working-class neighborhoods, occupying a unique place as an object on the border between refinement and violence. At the same time, some samurai also adopted the fighting pipe in special circumstances. When they had to do without their swords???for example, during visits to the Yoshiwara pleasure quarters where weapons were prohibited???samurai could conceal a heavy kiseru in their belts as a precaution. These models, intended for warriors, were called buy?kiseru (????, ???martial pipe???) and were often made entirely of metal, around 41???45 cm long. No guard would worry about a tobacco pipe, and in the event of an altercation, the unarmed samurai could brandish his pipe like a club and knock out an assailant without tarnishing the honor of his sword. Martial arts schools even incorporate secret kiseru fighting techniques (kiseru-jutsu), comparable to those of tessenjutsu (war fan). Some fighting pipes were even equipped with a small tsuba (guard) to protect the hand, as evidenced by ancient manuals (Kiraku-ry? school).
This dual use between smoking and fighting gives the kenka kiseru a legendary aura, often illustrated in folklore and kabuki theater???think of the bandit Ishikawa Goemon, often depicted with an enormous twisted pipe, or the hero Jiraiya brandishing his kiseru in 19th-century prints.
The set presented consists of a large kenka-kiseru pipe accompanied by its case (kiseruzutsu) and a rigid snuffbox (tonkotsu) forming a coordinated ensemble. The pipe, made entirely of metal (iron) and black lacquered bamboo, measures approximately 31 cm long and weighs 520 grams ??? an unusual size approaching that of a tant? (short dagger). Its two ends, the bowl (head) and the mouthpiece (mouthpiece), are thick and heavy, capable of withstanding violent shocks. The pipe's shaft is of a substantial diameter to ensure rigidity; it is smooth and shiny.
The kiseruzutsu case, carved from wood, is adjusted to the pipe's generous dimensions (39.5 x 5.3 x 6 cm with an oval cross-section). It features fine gold lacquer ornamentation with silver highlights, depicting stylized plant motifs in scrolls across its entire surface. The closure is accented by a wide brass band adorned with a ring.
On both sides, the Takaoka clan's mon appears, a crest with three stylized oak leaves in a circle, confirming that this set belonged to a member of this samurai family.
The tonkotsu, with its matching decoration and sliding lid, was used to store finely cut tobacco (kizami) while protecting its contents thanks to its rigidity. A cord passing through two side eyelets connects the snuff box to the kiseruzutsu, allowing the set to be hung from a belt. (21 x 14 x 6 cm with an oval cross-section)
The braided silk cord connecting the case to the snuff box passes through a sliding ojime that serves to tighten the suspension. It features the same decoration and measures 4.7 cm in diameter and 2 cm thick. The Takaoka clan is an ancient samurai family originating from Hitachi Province and later attached to the Uda-Genji lords during the Edo period. This Takaoka ka-mon lends additional historical value to the collection, linking it to a prestigious lineage and suggesting that it may have been used during official travel or informal ceremonies where the carrying of swords was prohibited.
Edo-period kenka kiseru are relatively rare today and highly sought after by collectors of unusual Japanese weapons. Their hybrid nature???both smoking and concealed weapons???makes them fascinating. Although many standard-sized kiseru (15???25 cm) are preserved in museums, giant examples measuring 30???50 cm are less common. The Minneapolis Institute of Art holds an iron fighting pipe approximately 41 cm long and weighing over 675 g; This piece, described as an object of "delicate appearance but surprising weight," illustrates the deceptive imbalance between the refined aesthetics of kiseru and their martial potential.
A complete kizeru, ojime, and tokutsu set for a fighting pipe is extremely rare. Time has often separated the elements when they have not been destroyed.
However, there are a few comparable sets in public and private collections. For example, the Spurlock Museum in Illinois holds a lacquered wood tonkotsu with its matching kiseruzutsu (length 28.6 cm) dating to the early 19th century. Although smaller and lighter, this set testifies to the tradition of having a hard case coordinated with the pipe case. An exceptional kenka kiseru by Mitsuhide (dated circa 1870) fetched ?2,275 in 2021. 48.5 cm long, it consisted of a solid bamboo stem connected to two heavy bronze mouthpieces engraved with Daruma and paulownia leaf motifs. The pipe was a standalone piece, and its price illustrates the interest in these unusual objects.
Similarly, collector and author Serge Mol mentions a 57 cm buy?kiseru, all made of metal, which he compares to a naeshi, as its weight, reaching 675 g, makes it a veritable "club" disguised as a pipe. Rosemary Bandini reports that this type of piece had left her perplexed at first, before an antique dealer, kiseru in hand, demonstrated to her the balanced grip and controlled movements possible with such an improvised weapon. By bringing together all the original elements (pipe, case, snuffbox) and bearing a family mon, the Takaoka clan set presented here stands out for its rarity and martial interest. Far beyond a smoking object, it tangibly illustrates a little-known aspect of the weaponry of the samurai and thugs of Edo ??? that of weapons disguised as everyday objects.
Serge Mol, Classic Weaponry of Japan, 2003
Don Cunningham, Samurai Weapons: Tools of the Warrior, 2012
Rosemary Bandini, "Buy?kiseru" (article, 2020)
Zacke Catalogue (Vienna), December 3, 2020 2021
Collection of the Minneapolis Institute of Art
Pipe: 32 x 3.5 cm 520 grams
Pipe case: 39.5 x 6 x 5.3 cm
Ojime: 4.7 x 2 cm
Tonkutsu: 21 x 14 x 6.4 cm
Presented on a patinated bronze base custom-made by Atelier Punchinello
Overall size: 56 x 31 x 12 cm